BRUXELLES : Un Salon de la Formation pour résister à la précarité du marché de l’emploi

« Bruxelles Formation et ses partenaires vous invitent à découvrir les métiers et formations qui mènent à l’emploi », voici la note d’intention des organisateurs du Salon de la Formation qui a été émise à l’attention de tous les visiteurs. Ces derniers s’étaient donnés rendez-vous les 22 et 23 mars 2022 à Tour & Taxis afin d’y découvrir toute une panoplie de formations disponibles à Bruxelles. Cependant, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, célébrée chaque année le 21 mars, l’association Unia a publié un rapport sur les discriminations des personnes afrodescendantes en Belgique. Ce rapport accablant fait notamment état du fait que les personnes d’origine subsaharienne occupent une position moins favorable sur le marché du travail. Dans ce contexte d’un marché de l’emploi belge assez précaire, il était important d’interroger des acteurs du secteur.

 

Autopsie d’un phénomène social

Après deux ans d’absence pour force majeure liée au COVID-19, Bruxelles Formation a de nouveau organisé le Salon annuel de la Formation pour accueillir et informer plus de 2000 visiteurs -dont près de 800 jeunes de moins de 30 ans- sur les formations menant à l’emploi. C’est à travers les services de plus de 80 exposants que ces jeunes chercheurs d’emploi ont pu découvrir les métiers, formations ou accompagnements nécessaires à un projet professionnel défini. Et pour cause, la plupart de ces jeunes rencontrent d’innombrables difficultés pour trouver un emploi. Cette situation est juste symptomatique d’un autre malaise au sein du marché du travail en Belgique : les discriminations à l’embauche subies par les personnes afrodescendantes. Selon un rapport publié par l’association Unia , « les personnes d’origine subsaharienne sont confrontées à des problèmes structurels tels qu’un taux de chômage élevé, un grand nombre de chômeurs de longue durée et des difficultés d’insertion ». Le taux d’emploi s’élève généralement avec le niveau d’éducation. Or, cette relation ne se vérifie pas lorsqu’il s’agit des personnes d’origine subsaharienne comme l’illustre le graphique ci-dessous :

Taux d’emploi selon l’origine et le niveau de diplôme (20 à 64 ans, 2008-2016)

Une politique d’inclusion au sein des entreprises recruteuses serait-elle la démarche idéale pour combattre cette situation précaire au sein du marché du travail ?

 

Des formations en « pôle » position

Durant les deux jours du Salon de la Formation, plusieurs exposants ont proposé et présenté des services divers et variés auprès des visiteurs. Une large palette de formations était à la disposition des chercheurs d’emploi. Plus de 20 secteurs d’activités représentés, mais un seul objectif visé : construire un projet professionnel crédible. Nous avons donc interrogé deux responsables parmi les exposants. Le premier, Redouan El Hdiki, est coordinateur au centre Sireas (pôle construction-maçonnerie). Pour ce dernier, la politique d’inclusion est une action qui va de soi chez Sireas. Ce qui permet ainsi à l’entreprise molenbeekoise d’accompagner leurs futurs stagiaires dans leur formation professionnalisante.

« Sireas est avant tout un service d’aide aux étrangers. Nous sommes une entreprise qui œuvre pour plus d’inclusion. Chez nous, il s’agit de soutenir nos stagiaires en formation dans leur parcours d’intégration en vue de trouver un emploi »

 

 

Le second intervenant est Cédric Roland, Directeur Formation et Validation des compétences chez DigitalCity (une plateforme de Bruxelles Formation – pôle formation / emploi des métiers du numérique à Bruxelles). A la question de savoir dans quelle mesure Bruxelles Formation (BF) promeut la diversité ethnique au sein de ses équipes, M. Roland affirme que des actions concrètes sont élaborées pour œuvrer dans ce sens. « Par ailleurs, le traitement des résultats des tests (lors de la procédure de sélection – NDLR) se fait en toute objectivité et en toute neutralité », renchérit-il.

« La diversité enrichit non seulement Bruxelles Formation mais améliore également les services que nous offrons aux citoyens. Dans les faits, nos équipes sont composées de collaborateurs et de collaboratrices de différentes origines ethniques, dont des personnes d’origine africaine. »

 

 

Combattre la discrimination, un enjeu national ?

Si le recrutement des candidats bruxellois à la recherche d’emploi se déroule de manière aussi exemplaire comme dans les deux exemples ci-dessus, comment expliquer une telle disparité sur le terrain lorsqu’il s’agit des personnes afrodescendantes ? Alors, nul besoin de préciser ici que ni Siréas ni Bruxelles Formation ne représentent le nœud du problème. En effet, ces associations fournissent des efforts vers un système de recrutement se voulant normalement plus inclusif. Cependant, force est de constater que c’est insuffisant pour combattre efficacement la discrimination à l’embauche. Le rapport d’Unia stipule même qu’ «Il y a indéniablement une zone d’ombre et un phénomène de sous-rapportage» liés aux véritables chiffres des signalements de discrimination envers les personnes d’origine subsaharienne. Et le même rapport précise que la majorité de ces signalements concerne le marché de l’emploi .
Dans un article de la DH paru le 21 mars dernier, Bernard Clerfayt, ministre bruxellois de l’Emploi et de la Formation professionnelle (Défi), stipule que l’heure est plus à la mesure qu’à l’état d’alerte. Selon lui, l’une des clés de la solution est « de mieux mesurer les discriminations » et ainsi « mobiliser les secteurs professionnels où ces discriminations sont les plus présentes » . C’est dans ce cadre de la stratégie anti-discrimination à l’embauche que M. Clerfayt préconise également une protection plus accrue des enquêteurs sur le terrain.
Aujourd’hui, les inégalités sociales quelles que soient leur nature ou leur cause sont plus que jamais décriées. Si les pouvoirs publics veulent se montrer efficaces dans la lutte contre le racisme et les discriminations auxquelles sont confrontées les personnes afrodescendantes, il faudra bien plus que de simples plans d’action. Les décideurs politiques devraient s’engager dans une véritable stratégie politique nationale contre les discriminations à l’image de la Conférence interministérielle (CIM) contre le racisme initiée en 2020 par le gouvernement fédéral et les gouvernements des entités fédérées du pays.

 

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